[ 5 ans plus tard ]

Nous sommes samedi.
Ton départ date de seulement hier soir.
Et pourtant ce matin, ton absence est assourdissante.
Les larmes au réveil parce que je ne t’ai pas entendu me crier qu’il était l’heure de me lever parce que tu avais décidé que j’avais bien suffisamment dormi.
Ton ballon est là qui traine ; je n’ai pas envie de le ranger.
J’ai déjeuné devant la télé pour ne pas me retrouver en tête à tête avec le silence.

Je sais que ce blues est accentué par le confinement et à toutes ces heures passées ensemble. 
C’est le vide que tu laisses après les vacances, tout en étant différent car nous ne sommes jamais distraits ni éloignés par l’extérieur.
J’ai conscience que d’ici quelques jours, voire quelques heures, ce cafard s’atténuera.
J’ai deux vies en une et j’ai aussi mes repères quand tu es chez ton père.
Je te sais pas loin et entre de bonnes mains, heureux à bricoler et jardiner avec ton papa adoré.
Je suis rassurée et confiante mais cela n’empêche pas le manque.

Alors dans ces moments-là je ne peux que constater ma peine, et ce sont dans ces occasions de tristesse passagère, que je deviens vite rétrospective ; je fais le bilan de ces dernières années, car aujourd’hui encore, la garde alternée, malgré sa routine, reste parfois douloureuse.
De temps à autre, il m’arrive d’éprouver cette sensation d’avoir vécu une vie entière ces 5 années passées, tellement cette épreuve est venue chambouler mon existence et puis d’autres fois, plutôt une impression de piétiner ou d’avoir réalisé un faux départ.

C'était un 3 janvier 2015, cette nuit-là j'ai dormi pour la première fois dans ce nouvel appartement qui est aujourd'hui encore, mon nouveau chez « nous ». Ce logement (locatif) d’ailleurs, qui se devait provisoire est finalement devenu un refuge sur le long terme. 

(Il est vrai que je m'y sens bien et ma région reste, malgré quelques économies, inabordable pour un achat qui respecterait quelques critères qui me sont essentiels. Comme dit Rabelais : « Tout vient à point à qui peut attendre. ».)

Mais, peut-être, que cela s'ajoute à mon sentiment épisodique, de faire du « sur place ».

Au même endroit depuis 5 ans mais si différente et tellement semblable à la fois. C’est assez étrange comme perception.

Cet évènement de séparation est venu bousculer mes repères, mes croyances, mon idéal.
J’ai découvert mes failles, mes blessures, les causes et les conséquences.
J’ai surmonté des peurs puis j’en ai acquis de nouvelles (eh oui, sinon ce n’est pas drôle), j’ai dévoré des bouquins qui parlaient de moi, du moins de mes fêlures, j’ai suivi une thérapie pour comprendre, me comprendre.

Toutes ces remises en question, en espérant inconsciemment pouvoir remonter le temps, effacer les erreurs et revenir là où je m’étais arrêtée, où nous nous étions arrêtés pour ne plus jamais être séparée de mon enfant.
C’est certainement cette croyance illusoire qui me procure quelquefois ce sentiment d’être toujours au point de départ ou d’avancer modiquement avec cette vie que je tente de reconstruire, car il n'est pas toujours facile de se projeter quand on regarde régulièrement dans le rétroviseur.

Essayer de ne pas comparer et simplement vivre et accepter un parcours différent.

La vérité est qu’à défaut d’avoir véritablement changé, j’ai évolué et ce que j’ai appris, tous ces derniers mois, c’est reconnaitre les causes de chaque émotion qui me traverse, s'il m'est encore difficile de les éviter. Et je crois que c’est une chance inestimable de savoir s’observer, bien sûr que ce serait encore mieux de le faire sans jugement, mais à 41 ans, j’ai encore toute la vie devant moi pour progresser.

Aujourd’hui encore, je suis à la même place, sur ma terrasse, à la différence que je suis en train d’écrire ces quelques lignes. 


Je prends conscience de mon ressenti et je sais pourquoi ton absence est si pesante. Je connais le vide qui m’habite, que tu viens combler. 
Mais ce dont je suis surtout sûre c'est de l’amour que je te porte, et je suis simplement triste de ne pas avoir réussi à t’offrir la vie que j’avais imaginée pour toi et de croire, (à tort ou à raison), que celle que je suis, 5 ans plus tard, aurais peut-être réussi à te la donner.

Voilà par écrit, ma petite introspection rituelle, quand le manque de toi est trop fort.

Demain, je regarderai devant.

En attendant, nous sommes samedi, et le moment présent est bien le plus important, peut-être même que j’irais jouer au ballon.

© Une semaine sur deux 

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