[ A quel prix ]

J’ai peur parce que j’oublie. J’oublie ce que c’est d’être un parent à temps plein. J’oublie les cris et les rires quotidiens. Les contraintes journalières.

J’oublie le désir de vouloir être seule parfois, parce que je suis seule, souvent.
Ce matin, je me prépare, je me regarde dans le miroir et j’ai peur parce que j’oublie.
Je me suis levée plus tard. J’ai le temps. Le temps.
Je n’ai pas à te demander de te dépêcher, d’enfiler tes chaussures, de ne pas oublier ton cartable, { parce que celui-ci pourrait éventuellement te servir … } Je ne ferai pas de détour par l’école. Alors cette demi-heure supplémentaire je me l’accorde.
Ce soir un apéro avec des amis, c’est mercredi, c’est permis.
Pas de devoir à vérifier, pas de repas à préparer, pas d’heure du coucher à respecter.
J’essaie de me rappeler, j’essaie. Avoir un enfant toujours, tous les jours, tous les soirs, tous les matins, toutes les nuits, tous les week-ends, toutes les semaines. Je ne sais plus. Je ne sais pas.
7 ans de toi à mi-temps, 3 ans et demi de toi tout le temps.
3 ans et demi de nous que je tente en vain de retenir. Tu étais là chaque jour. Les souvenirs sont flous, voilés parce que je ne savais pas ma chance d’alors. Et toi te rappelles-tu ?
Et si, avec ton papa, on s’était séparés plus tard, à ton âge d’aujourd’hui ? Peut-être que je n’oublierai pas mais toi, aurais-tu trouvé tes repères ? Et si on ne s’était jamais séparés, qui serions-nous ? « Avec des « si » et des « peut-être », on pourrait mettre un cachalot dans une boite d'allumettes ! »
Je n’ai pas la quantité de toi, j’ai la qualité de nous, oui, mais à quel prix ?!
J’oublie et je vais continuer d’oublier. Je ne serais plus jamais une maman du quotidien. Je ne serais jamais de celles qui en ont marre parfois de la marmaille.
Notre vie est jolie, elle est spéciale.
Ce lien avec toi, il est entier parce qu’il est incomplet

Je le sais. Oui. Mais à quel prix.
Céline