[ La face cachée du confinement ]

Bon maintenant, il faut bien les utiliser ces paquets de pâtes et cette farine, toutes ces réserves alimentaires de survie achetées à profusion ! Eh oui, à la guerre comme à la guerre ! 


La tendance est aux pains « maison », aux desserts « homemade », alors autant dire que c’est dans la cuisine que nous sommes le plus souvent, en quarantaine. 

Et voilà les stories des réseaux sociaux se pâmer de brioche dorée, de pains croustillants (ou pas), de plats les plus alléchants les uns que les autres. 


Alors après de tels festins nous pourrions prétendre à quelques instants de détente ou comme dirait Yves Mirande : « Ma devise : une bonne sieste et au lit » ? 

N’est-il pas ? 



Mais ce que vous ne verrez jamais sur Instagram, ce sont le rangement et le nettoyage des plats, et autres ustensiles servant à la préparation des recettes ! 
Non, jamais le monticule de casseroles dans l’évier, la farine renversée, les œufs cassés, et la pâte collée sur le moule, que seul un trempage intensif saura en venir à bout, ne se retrouveront sur le dernier réseau social à la mode. 

Soyons honnête, les promesses de ce confinement, et son temps offert que nous pourrions consacrer à des passe-temps comme le yoga, la lecture, la méditation, les loisirs créatifs, la gym à la maison, s’estompent au fur et à mesure que nous devons :

  • Aider Eloïse a terminé son exercice de mathématiques,
  • Faire la vaisselle,
  • Passer l’aspirateur,
  • Changer les draps,
  • Étendre le linge et mettre en route la prochaine lessive,
  • Ranger les playmobils de Paul,
  • Préparer la réunion visio de lundi,
  • Passer la tondeuse et désherber,
  • Trier les chaussettes,
  • Prévoir le repas du lendemain,
  • Donner le bain à Julie.
…. 

Oui, avouons-le, s’occuper des enfants, de la cuisine et de l’entretien de la maison absorbent l’essentielle majorité de notre temps depuis que nous sommes séquestrés chez nous ! 


Heureusement, il n’est pas exclu, de trouver, entre deux paires de chaussettes, un peu de repos ou d’activités ludiques qui nous fassent apprécier le moment présent auprès de ceux qui nous sont chers… 😍 

Eh, sinon, demain on fait quoi ? 


© Une semaine sur deux

[ 5 ans plus tard ]

Nous sommes samedi.
Ton départ date de seulement hier soir.
Et pourtant ce matin, ton absence est assourdissante.
Les larmes au réveil parce que je ne t’ai pas entendu me crier qu’il était l’heure de me lever parce que tu avais décidé que j’avais bien suffisamment dormi.
Ton ballon est là qui traine ; je n’ai pas envie de le ranger.
J’ai déjeuné devant la télé pour ne pas me retrouver en tête à tête avec le silence.

Je sais que ce blues est accentué par le confinement et à toutes ces heures passées ensemble. 
C’est le vide que tu laisses après les vacances, tout en étant différent car nous ne sommes jamais distraits ni éloignés par l’extérieur.
J’ai conscience que d’ici quelques jours, voire quelques heures, ce cafard s’atténuera.
J’ai deux vies en une et j’ai aussi mes repères quand tu es chez ton père.
Je te sais pas loin et entre de bonnes mains, heureux à bricoler et jardiner avec ton papa adoré.
Je suis rassurée et confiante mais cela n’empêche pas le manque.

Alors dans ces moments-là je ne peux que constater ma peine, et ce sont dans ces occasions de tristesse passagère, que je deviens vite rétrospective ; je fais le bilan de ces dernières années, car aujourd’hui encore, la garde alternée, malgré sa routine, reste parfois douloureuse.
De temps à autre, il m’arrive d’éprouver cette sensation d’avoir vécu une vie entière ces 5 années passées, tellement cette épreuve est venue chambouler mon existence et puis d’autres fois, plutôt une impression de piétiner ou d’avoir réalisé un faux départ.

C'était un 3 janvier 2015, cette nuit-là j'ai dormi pour la première fois dans ce nouvel appartement qui est aujourd'hui encore, mon nouveau chez « nous ». Ce logement (locatif) d’ailleurs, qui se devait provisoire est finalement devenu un refuge sur le long terme. 

(Il est vrai que je m'y sens bien et ma région reste, malgré quelques économies, inabordable pour un achat qui respecterait quelques critères qui me sont essentiels. Comme dit Rabelais : « Tout vient à point à qui peut attendre. ».)

Mais, peut-être, que cela s'ajoute à mon sentiment épisodique, de faire du « sur place ».

Au même endroit depuis 5 ans mais si différente et tellement semblable à la fois. C’est assez étrange comme perception.

Cet évènement de séparation est venu bousculer mes repères, mes croyances, mon idéal.
J’ai découvert mes failles, mes blessures, les causes et les conséquences.
J’ai surmonté des peurs puis j’en ai acquis de nouvelles (eh oui, sinon ce n’est pas drôle), j’ai dévoré des bouquins qui parlaient de moi, du moins de mes fêlures, j’ai suivi une thérapie pour comprendre, me comprendre.

Toutes ces remises en question, en espérant inconsciemment pouvoir remonter le temps, effacer les erreurs et revenir là où je m’étais arrêtée, où nous nous étions arrêtés pour ne plus jamais être séparée de mon enfant.
C’est certainement cette croyance illusoire qui me procure quelquefois ce sentiment d’être toujours au point de départ ou d’avancer modiquement avec cette vie que je tente de reconstruire, car il n'est pas toujours facile de se projeter quand on regarde régulièrement dans le rétroviseur.

Essayer de ne pas comparer et simplement vivre et accepter un parcours différent.

La vérité est qu’à défaut d’avoir véritablement changé, j’ai évolué et ce que j’ai appris, tous ces derniers mois, c’est reconnaitre les causes de chaque émotion qui me traverse, s'il m'est encore difficile de les éviter. Et je crois que c’est une chance inestimable de savoir s’observer, bien sûr que ce serait encore mieux de le faire sans jugement, mais à 41 ans, j’ai encore toute la vie devant moi pour progresser.

Aujourd’hui encore, je suis à la même place, sur ma terrasse, à la différence que je suis en train d’écrire ces quelques lignes. 


Je prends conscience de mon ressenti et je sais pourquoi ton absence est si pesante. Je connais le vide qui m’habite, que tu viens combler. 
Mais ce dont je suis surtout sûre c'est de l’amour que je te porte, et je suis simplement triste de ne pas avoir réussi à t’offrir la vie que j’avais imaginée pour toi et de croire, (à tort ou à raison), que celle que je suis, 5 ans plus tard, aurais peut-être réussi à te la donner.

Voilà par écrit, ma petite introspection rituelle, quand le manque de toi est trop fort.

Demain, je regarderai devant.

En attendant, nous sommes samedi, et le moment présent est bien le plus important, peut-être même que j’irais jouer au ballon.

© Une semaine sur deux 

[ S'en aller ]

Et il est arrivé cet au revoir tant redouté qui vient clôturer notre semaine de complicité.
Quelques jours aromatisés aux secrets avoués, aux devoirs par milliers, aux œufs cassés, aux films visionnés, aux dodos perturbés, aux câlins savourés, aux jeux de société mouillés et à nos fleurs ramassées.
Je t’aime…, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, et tellement plus encore que tu ne peux l'imaginer.
© Une semaine sur deux


[ Mon précieux cadeau ]

Nous sommes désormais à 25 jours du confinement.
On prend nos repères, chacun comme on peut, dans ce contexte si particulier.
Bien sûr, comme tout le monde, j’attends avec impatience le retour à la « vie normale ».
Pourtant…,
Il y a dans cette quarantaine un cadeau précieux qui m’est offert : du temps auprès de toi.
Certes, ce ne sont pas les mêmes partages que ceux que nous pouvons vivre pendant les vacances, certes l’enfermement est parfois long, certes, mon travail et la « continuité pédagogique » à satisfaire, amènent quelques tensions, certes l’actualité reste inquiétante et toutes ces contraintes viennent nous rappeler que nous ne sommes pas en repos.

Mais nous sommes ensemble. 

Une semaine sur deux, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24.
Moi qui suis privée de toi, une moitié d’année, cette promiscuité forcée est un véritable don.

Evidemment, que j’aurais préféré que ce temps nous soit accordé dans d’autres circonstances, que le monde ne soit pas en souffrance, c’est indéniable, mais puisque je n’ai pas le choix sur les évènements, autant trouver des avantages à ce que je ne peux changer.

Et bien sûr, que cela ne pourra jamais remplacer toutes les périodes où nous sommes éloignés l'un de l'autre, mais ces instants confinés qui ne se reproduiront certainement pas (et cela reste évidemment à souhaiter), il me faut les apprécier tant qu’ils sont là.

Parce qu'aujourd’hui, je n’ai à te partager avec personne ni avec quoi que ce soit.
Pas de cinéma pour me voler ton attention, pas de restaurant pour me voler tes papilles, pas de papy mamie pour me voler tes câlins, pas d'école pour me voler ta présence, pas de copains pour me voler tes rires, seule ta switch reste parfois ma rivale.

Non, jamais nous n’avons été aussi « intime ».

Ce que nous vivons est une expérience unique, alors je veux mesurer ma chance d’être en bonne santé et d’avoir une position qui me permette de continuer la garde alternée : pour râler devant les mathématiques et m’apercevoir à quel point cette discipline m’est antipathique, pour savourer profondément chaque petite bouffée d’air que nous respirons au moment d’aller cueillir quelques pâquerettes (dans notre lotissement), pour passer plus de temps sous la voiture à récupérer le ballon qu’à marquer des buts, pour renouveler d’imagination pour occuper nos journées et t’éloigner des écrans si tentants, en situation d’isolement.

Il y a toujours du parfait dans l’imperfection et je suis heureuse de l’entrevoir dans ce climat pesant.
Et pour preuve, le vide amplifié que tu laisses, un vendredi sur deux, tellement nous vivons nos semaines, l’un « sur » l’autre intensément.

Je suis sûre que beaucoup d’entre vous ont cette sensation de moments privilégiés avec vos proches, même si parfois la proximité constante, l’inquiétude, le travail, les devoirs, la peur,  génèrent irritations et impatiences.

Je terminerai ce texte en ayant une (énorme) pensée pour tous ces parents et enfants, qui sont séparés pendant toute cette longue période, par obligation ou par choix.
J’imagine le manque, la solitude et la tristesse qui vous animent et je vous souhaite des retrouvailles magiques pleines de soulagement et d’amour.

C’est pourquoi jamais je ne voudrais me plaindre d’avoir à vivre, environ 168 heures avec juste TOI, une semaine sur deux.

Prenez bien soin de vous et chérissez ceux qui sont à vos côtés ; c’est un cadeau si précieux.
© Une semaine sur deux